Lettre d’opinion éditoriale de la Présidente de l’Association canadienne des commissions/conseils scolaires, Laurie French
Le vendredi 4 octobre 2019
Au terme d’une semaine difficile et frustrante pour les commissaires et les conseillers scolaires partout au pays, nous observons nos collègues au Québec sous la menace d’un projet de loi, présenté par leur gouvernement provincial, qui risque d’avoir des conséquences dévastatrices. L’ACCCS, nos membres et les communautés que nous représentons d’un océan à l’autre du pays sont choqués et consternés par l’intention du gouvernement provincial du Québec de priver ses citoyens d’expression française d’un système d’éducation publique gouverné par des membres de la communauté élus démocratiquement qui ont l’enseignement public à cœur.
Nous avons été témoins des effets de la dissolution des commissions et des conseils scolaires et ce n’est pas prometteur. La perte des conseils scolaires de la majorité anglophone en Nouvelle-Écosse a eu des conséquences négatives pour la collectivité éducative. Les parents, tuteurs, élèves et membres du personnel d’éducation se sont levés pour dire qu’ils n’ont plus accès aux décideurs politiques. Cette élimination de la voix communautaire n’a pas amélioré l’enseignement public. La gouvernance de l’enseignement public par des membres de la collectivité est essentielle à la fois pour les communautés majoritaires et minoritaires. L’ensemble de la population québécoise a droit à des commissions scolaires élues démocratiquement dans ses systèmes d’éducation publique, que l’enseignement soit dispensé en français ou en anglais.
Comme en Nouvelle-Écosse, le gouvernement provincial du Québec a une obligation de prévoir une forme d’autogouvernance pour son système d’éducation de la langue minoritaire en vertu d’une Charte conçue pour protéger les langues minoritaires, sans se douter que ce sont les élèves et les citoyens de langue majoritaire qui se verront niés ces processus démocratiques. En Nouvelle-Écosse, cela signifie que le Conseil scolaire acadien provincial a survécu à l’élimination des conseils scolaires. Or, nous avons eu des échos directs de la perte d’une voix au niveau provincial sans accès local en réponse aux préoccupations. Bien que les commissions scolaires anglophones du Québec continueront de bénéficier de la protection de la Charte, elles seront affaiblies.
La pratique démocratique qui consiste à élire une représentation pour répondre aux besoins des citoyens est une pierre angulaire de la société canadienne et cela s’applique à la représentation qui appuie l’enseignement public. Les commissions et les conseils scolaires sont des membres des communautés qu’elles desservent, se consacrent au système d’éducation publique et assurent l’accès aux décisions locales ainsi que leur transparence. La solution aux préoccupations liées à un système démocratique est de l’améliorer et non de l’éliminer. Si le gouvernement provincial du Québec a de telles préoccupations concernant les commissions scolaires, nous lui demandons de travailler AVEC les associations provinciales de commissions scolaires afin de renforcer ces rôles au service des élèves devant lesquels elles sont responsables.
Des recherches récentes ont appuyé sans équivoque la conclusion que « les commissions et les conseils scolaires très performants favorisent la réussite des élèves et l’enseignement public de qualité » (vous référer au http://www.cdnsba.org/Literature-Review). Les gouvernements auraient intérêt à renforcer ce partenariat. Les critiques des gouvernements à l’effet que les commissions scolaires ne sont pas efficaces résultent des actions des gouvernements, au fur et à mesure qu’ils minent l’autonomie et l’influence des commissions et des conseils scolaires en matière d’enseignement public. Si le gouvernement estime que les commissions scolaires ne sont pas efficaces, nous souhaitons lui rappeler que c’est le gouvernement lui-même qui a créé cette situation.
Par ailleurs, le gouvernement du Québec devrait évaluer le processus électoral des commissions scolaires si la participation électorale est inquiétante – un problème qui touche tous les niveaux de gouvernement. Dans d’autres régions à l’échelle du Canada, les élections des commissions et des conseils scolaires sont jumelées aux élections municipales pour favoriser la participation électorale, réduire la duplication des coûts et améliorer l’accessibilité. Le Québec devrait envisager d’adopter une approche semblable.
Avant l’adoption de tout changement, nous exhortons le gouvernement à mener une large consultation et à travailler en partenariat avec les associations des commissaires scolaires en vue de renforcer la gouvernance, à l’appui de la réussite des élèves.
L’enseignement public mérite une représentation communautaire par le biais de toutes les commissions et de tous les conseils scolaires qui ont l’autonomie de prendre les meilleures décisions pour leurs élèves. Nous exhortons le ministre à revoir ce projet de loi et à travailler avec les commissions scolaires en vue de favoriser la réussite des élèves pour tous les citoyens des générations actuelles et futures.